jeudi, avril 20, 2006

Quand les cavistes évoquent Marcel Proust

Une des plus grandes caves parisiennes (Il y en a 3 ou 4...) m'envoie, sur demande, son catalogue. Je ne fréquente pas beaucoup cette maison, pourtant très bien achalandée, car le caviste, grande gueule, a ses têtes et pour une raison qui m'échappe, la mienne ne lui revient pas. Ce malentendu, qu'il faudra dissiper un jour, n'enlève en rien à la grande qualité du travail de cette boutique, bien que certains choix de référencement (les jusqu'au-boutistes du sans soufre, entre autres) me paraissent contestables. On en parlera une autre fois.

Bref, je parcours le catalogue de cette vénérable maison, et à la lecture de l'avant-propos mon regard se fige : assez inspiré, un jeune écrivain chante sur 4 pages les louanges de la cave en question.

Et dès la première ligne, il évoque Marcel Proust, "qui venait acheter ses salades et quelquefois un flacon de champagne". Ambitieux, osé ! associer le vin objet de culture et une des plus incontestables références du patrimoine, la figure tutélaire de la grande littérature française, bravo, voilà un caviste qui s'élève en sachant causer d'autre chose que de ses quilles poussiéreuses.

Dès la deuxième ligne, stupéfaction : "C'était au début du XIXème siècle". Tout s'effondre. Saint Lagarde et Michard, priez pour nous. Le jeune écrivain ignore que le grand homme est décédé en 1922 à 50 ans. Pas grave, me direz-vous : ceux qui consultent un catalogue de vins pour l'offre et les prix se fichent pas mal de ce genre de précisions que seuls les pointilleux dans mon genre relèvent encore.

Sans doute. Mais quand on se donne la peine d'aller réveiller la madeleine pour faire reluire un caviste, autant vérifier ses affirmations...sinon, bientôt, les catalogues de foire aux vins de la grande distribution vous vendront du "recommandé par Joseph Kessel", et les sites de vente online mettront en avant la sélection, au hasard, d'Albert Camus ou de Françoise Sagan. Attention, les marchands de vins sont prêts à tout !!

lundi, avril 17, 2006

Le Bourgogne générique le plus cher est annoncé


Un vieux fût sert de table de dégustation au domaine Leroy

Pour la première fois dans l'histoire du domaine Leroy, qui constitue avec ses 21 hectares un des plus grands joyaux du vignoble bourguignon, l'intégralité des Grands Crus et des premiers crus du millésime 2004 a été déclassée. Les seuls 2004 proposés par le domaine sont donc des vins d'appellations régionales et de villages, dont voici la composition :
Bourgogne (Pommard, 1ers crus de Savigny, Volnay, Grands crus Clos de Vougeot, Clos de la Roche, Corton-Renardes)
Nuits-Saint-Georges (1er crus Boudots et Vignerondes)
Vosne-Romanée ( 1er crus Genevrières, Beaumonts, Brûlées, Grands Crus Richebourg et Romanée Saint-Vivant)
Chambolle-Musigny (1er cru Fremières, Charmes et Grand Cru Musigny)
Gevrey-chambertin (1er cru Combottes, Grands Crus Latricières-Chambertin et Chambertin)

Comment expliquer une décision aussi radicale ? Mme Leroy a perdu son mari, Marcel Bize en 2004 et elle a dû traverser une période de dépression. Elle a considéré que les vins ne reflétaient pas le niveau de qualité jugé suffisant au domaine. Les observateurs bourguignons les plus pointus rappellent également la forte poussée d'oïdium dans les vignes à l'été 2004, et la décision s'expliquerait aussi par la minuscule récolte qui aurait imposer l'assemblage et le déclassement. Quoi qu'il en soit, ces 2004 de Madame Leroy seront certainement les plus chers que la Bourgogne ait enfanté (on parle de 220 € TTC la bouteille chez les cavistes allocataires) et feront sûrement autant de futures grandes bouteilles...

jeudi, avril 13, 2006

Du danger des dégustations en primeurs


Dans un précédent message, j'évoquais mon émotion consécutive à la dégustation du Lafite 2005 goûté en primeurs.
En cette période d'excitation générale de la planète vins qui attend les prix de sortie des Bordeaux 2005, Je voudrais ici relater une petite mésaventure survenue à Bordeaux fin mars ; en visite avec un petit groupe dans un cru réputé dont je tairai le nom (3ème Cru Classé du Médoc, vue des chais ci-dessus), l'échantillon de primeur 2005 nous est présenté. Le vin est flatteur, séduisant, riche et mûr, très facile d'accès et approchable. Assez naïvement et maladroitement, le jeune maître de chai nous annonce que l'échantillon primeur qui est présenté en dégustation cette année sera composé d'un assemblage de 10% de bois neuf américain, alors que l'assemblage final du vin (qui n'imterviendra que fin 2007 à la fin de la période d'élevage) n'en comportera que 2% maximum. L'idée est de rendre l'échantillon plus présentable, plus approchable à la dégustation.
Il faut savoir que le chêne américain apporte une touche vanillée marquée, et une sucrosité qui peut masquer des tanins anguleux et végétaux. L'objectif non-avoué est bien sûr d'obtenir de meilleures notes de la part des critiques sur la base de cet échantillon primeur "favorisé".

Choc dans l'assistance, dont une partie s'insurge façe à cette pratique que peu soupçonnaient. Peut-on officiellement considérer qu'il y a tromperie en l'espèce ?
Oui si le vin dégusté en primeur 6 mois après la vendange se doit d'être le reflet fidèle et objectif du vin qui sera mis en bouteille au printemps 2008, mais acheté en primeur sur la base des commentaires rendus publics au printemps 2006.
Mais en toute honnêteté, n'y a t'il pas aussi une certaine hypocrisie à plaider pour l'objectivité et la transparence des dégustations primeurs ? Qu'est-ce qui pourrait logiquement empêcher un maître de chai de composer son échantillon à partir d'une sélection des meilleures barriques, qui se goûteront mieux à un moment donné ? La responsabilité de ce petit jeu n'incombe t'elle pas aux journalistes, coupables dans leur ensemble de cautionner un système qui cherche à tout prix et de plus en plus tôt à décrire et noter un vin encore totalement immature, et qui n'est pas à l'abri des nombreux aléas pouvant survenir en cour d'élevage ou de mise en bouteille ? La demande commerciale mondiale relayée par les médias appelle cette évaluation prématurée des vins dont la prétendue objectivité ne doit pas faire illusion.

Le danger survient lorsque le producteur, obsédé par l'impératif d'une présentation favorable de l'échantillon primeur maintenant dès le mois de mars qui suit la vendange, en vient à modifier la constitution même du vin pour rendre celui-ci "lisible", précoce dès sa prime jeunesse. Lorsque les fermentations malolactiques sont tardives, comme ce fût le cas dans bien des châteaux en cette fin d'hiver 2005-2006, certains les arrêtent abruptement pour que les vins puissent mieux se déguster, ne respectant pas le cycle naturel d'évolution du vin. Un peu comme si on obligeait un adolescent qui apprend le solfège à se produire soudain en récital devant un public exigeant qui le jugerait parmi d'autres sur une audition pour décider de sa carrière....Si cet adolescent était votre fils, ne seriez-vous pas un peu tenté de le favoriser d'une manière ou d'une autre ?

mercredi, avril 12, 2006

VINITALY


40 ème édition du salon VINITALY à Vérône. Sur 4 jours, 144 000 visiteurs ont arpenté les 80000 m² de stands tenus par 4200 exposants de 30 nationalités différentes (mais l'immense majorité est italienne).
Excellente occasion de se faire une meilleure idée de la diversité de la production italienne actuelle. Un constat : l'Italie n'a jamais produit autant de bons vins à bon prix, en provenance de toutes les régions de la péninsule. Le rapport qualité/prix/plaisir est souvent exceptionnel.

Ci-dessus, un aperçu des allées de la foire, où les halls d'expositions de chaque région mettent en avant les caractéristiques régionales (au loin le hall de la Vénétie, habillée en palais des doges).
Les commentaires de dégustations seront postés sur www.oenotropie.com

lundi, avril 03, 2006

Les vins du Mâconnais se mobilisent

Présents à Paris lundi 3 avril, une quinzaine de domaines du Mâconnais se sont réunis au restaurant Macéo pour faire déguster leur production (2004 essentiellement, plus quelques 2003 et de rare millésimes plus anciens).
Premier constat : les vins de 2004 sont bons, très bons même. Les meilleurs vignerons ont sû éviter les pièges du millésime (Grêle, rendements élevés) et rentrer des raisins sains, avec de très beaux équilibres entre l'acidité et la maturité. Le résultat : des vins souvent nerveux, plein d'énergie et de fraîcheur qui ajoutent un côté tonique au caractère généreux et opulent des vins de la région. Les vins pourront se bonifier sur 3 à 8 ans sans problème, même si on se régalera déjà avec les cuvées les plus tendres.

Ensuite, peu importe l'appellation : on trouve des Mâcon-villages bien plus complexes et profonds que bien des Pouilly-Fuissé. Le talent du vigneron l'emporte à l'évidence sur une hiérarchie des crus bien peu représentative. La région est très vaste, sa géologie extrêmement morcelée, et bon nombre de terroirs (sur les villages de Chardonnay, de Cruzille, de Bussières par exemple) auraient assurément mérité d'être identifiés par des AOC propres, à l'image de Pouilly-Fuissé. Pour le consommateur peu informé, rien ne permet a priori de distinguer entre eux les vins issus de la trentaine de communes autorisés à accoler leur nom à l'appellation régionale Mâcon (ex. Mâcon-Chaintré, Mâcon-Cruzille, etc...).

Brièvement, les plus grands vins dégustés :
-Les Pouilly-Vinzelles 2004 du domaine de la Soufrandière -les frères Bret- , des vins tendus, droits et complets, admirablement élevés, purs et expressifs. La cuvée "les Quarts" étonnera dans 10 ans (17/20), le simple Pouilly-Vinzelles est idéalement mûr, rond et plein, très gourmand et précoce (15,5/20).
-les vins du domaine Guillot-Broux, avec un magnifique Mâcon-Chardonnay les Combettes 2004, très intense et profond (15,75), et un superbe Mâcon-Cruzille les Perrières 2003 (16,25), très mûr et intense, soutenu par une acidité imposante obtenue en vendangeant après le 10 septembre, après la pluie du 9 septembre qui a permis de gagner 1° d'acidité....Rarissime et impressionnant Mâcon-Cruzille les Clos, produit à hauteur de 300 bouteilles à partir d'une vigne franche de pied....
-Denis Jeandeau, le petit jeune à suivre, avec ses très beaux Pouilly-Fuissé 2004 issus d'achats de raisins depuis que les vignes du domaines familial ont été vendues...
-Les Héritiers du Comte Lafon, le bébé du grand Dominique Lafon (le fameux domaine des Comtes Lafon de Meursault...) trouve enfin sa vraie vitesse de croisière en 2004, avec des vignes qui expriment pleinement leur terroir, dans un style svelte, pur et assez tendre, dont un merveilleux Mâcon-Chardonnay "Clos de la Crochette" 2004 (16,5), vin structuré, suave et généreux au volume étonnant. ..
-Les vins de Jean Thévenet enfin, récemment associé avec son fils Gautier, qui ne s'effrayent pas de la maturité de fruit élevée que le Chardonnay peut atteindre vers Clessé, et possèdent souvent un peu (voire beaucoup, pour les rares vendanges tardives, ou cuvées "levroutées") de sucre résiduel naturel. Magnique domaine de la Bongran 2001, étoffé et long (16,75) et sublime cuvée Botrytis 2001 (18) issu de rendements de 8hl/ha sur une vigne de 1 ha....
D'autres domaines, comme le Château des Rontets, Olivier Merlin ou la famille Valette donnent aussi naissance à de beaux vins réguliers, bien qu'à mon sens moins aboutis.

Le Mâconnais mérite tout l'intérêt des amoureux du vin !