jeudi, mai 04, 2006

dégustation de vins bio et rencontre avec un dinosaure

Comme l'année dernière, je fais partie du jury de dégustation du guide Solar des vins bio.
Très bien conçu et organisé par Valérie de Lescure, ce guide offre un panorama fidèle du meilleur de la production bio en France.

Le bio ? 1,5% des producteurs de vin en France en 2003. Revendiquer une certification "vins issus de raisins de l'agriculture biologique" est souvent un simple argument marketing et ne saurait être un gage de qualité : faire le tri est indispensable.

Plusieurs professionnels du vin (sommeliers, cavistes, journalistes...) se retrouvent pendant 3 heures pour déguster à l'aveugle une trentaine d'échantillons, regroupés par région. Les vins goûtés sont ceux proposés à la vente par les domaines, majoritairement 2004 et 2003. Chacun évalue le vin en silence, remplit sa fiche de commentaires (équilibre, impression générale, potentiel de garde, plaisir...) avant de mettre en commun ses conclusions pour tenter une classification ("mauvais", "correct", "bon", "très bon", "exceptionnel").
Le hasard m'affecte au jury des Côtes du Rhône, des Côtes de Provence et de la Corse.

Premeir constat, qui n'est pas une surprise : la très grande diversité des vins des Côtes du Rhône, du franchement imbuvable au très bon.

Autre constat, le niveau qualitatif élevé et homogène des Côtes de Provence rouge. La région est la deuxième de France après le Languedoc-Roussillon avec 250 producteurs et 3300 ha cultivé en bio. De belles découvertes, chez des producteurs qui m'étaient inconnus : ainsi le Côte de Provence 2003 Carolle, du domaine de la Sauveuse.

Enfin, pas toujours facile de déguster en groupe et de se mettre d'accord avec des individus dont l'approche du vin peut être tellement différente de la vôtre. Faire se concilier les points de vue d'amateurs de hip-hop et de musique baroque ne serait pas plus compliqué : chacun affirme sa culture, ses certitudes et comme souvent, l'art du consensus n'est pas vraiment français....Ah si, tout le monde se retrouve sur ce point : pas de coup de coeur (vin jugé "exceptionnel") cette année dans notre jury.

Dernier trait d'humeur à l'encontre d'un dinosaure des dégustations : bardé de certitudes, un monsieur à la moustache fière, la soixantaine avancée et l'insigne de sommelier affiché au revers de la veste, illustre à la perfection le manque flagrant d'adaptation au monde moderne de la vieille école de sa profession. Ses commentaires se répandent en termes descriptifs pompeux et prétendus accords sensés magnifier les crus qu'il déguste : recommander de la bécasse ou du salmis de colvert sur des Côtes du Rhône à 4,50 €, c'est déplacé et ridicule. Franchement, ami lecteur, vous en mangez souvent, vous, de la bécasse ?? Soyons sérieux. Quand on s'adresse à un lecteur - consommateur moyen qui peine déjà à s'y retrouver dans l'offre d'entrée de gamme des vins français, que ce prétendu élitisme paraît vain et poussiéreux !

Certes, la sommelerie à la française est un noble métier mais quel décalage avec le professionnalisme et l'exigence désormais requis et affiché chez nos voisins européens....