mardi, mai 29, 2007

Cinque Terre, patrimoine viticole mondial



Difficile de résister au plaisir de faire découvrir à ceux qui l'ignoreraient l'incroyable vignoble de Cinque Terre, en Ligurie, à côté de La Spezia (les fâchés avec la géographie retourneront explorer les côtes italiennes), où je me trouvais ce week-end.

Des terrasses de vignes surplombant la mer sont encore exploitées par des viticulteurs, qui tirent d'un labeur harassant un vin blanc méconnu. 800 hectares subsistent, dont les raisins sont presque entièrement vinifiés par la coopérative locale.

Inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, ce qui contribue à sa préservation et son entretien, ce paysage grandiose remplit de fierté les villageois, prompts à souligner que les murets mis bout à bout constituent la plus grande construction humaine, plus longue que la Muraille de Chine...

Le vin est blanc, sec, parfois liquoreux, issu d'obscurs cépages locaux (bosco, albarola...) complétés du méditerranéen vermentino, que l'on trouve beaucoup en Corse. Plus que sa réelle qualité gustative, qui n'est sans doute pas aujourd'hui à la hauteur du potentiel, c'est l'incomparable beauté de cette côte qui subjugue le visiteur.

En visitant ces terrasses, à côté desquelles celles de Banyuls font figure de modestes escarpements, on se prend à rêver à ce qu'un vigneron acharné et talentueux pourrait tirer de cette terre péniblement gagnée sur la montagne...

lundi, mai 07, 2007

Qu'est-ce qu'un grand vin en 2007 ?



En 2007, il est de bon ton d'affirmer que les grands vins intègrent plus que jamais l'univers du luxe, qu'on le veuille ou non. Ils deviendraient hors de portée du commun des mortels, qui ne peut plus y tremper qu'exceptionnellement ses lèvres.

Si on adopte un point de vue restrictif selon lequel le prix d'un vin (pas forcément lié à sa rareté, ce serait trop simple) et sa notoriété en corollaire sont les principaux critères de définition de la grandeur, on ne peux que constater que les grands vins (Crus Classés bordelais, Grands Crus Bourguignons, etc...) sont désormais réservés à une élite fortunée, basée hors de France, exigeante et consciente de la qualité extrême de nos meilleurs crus. Ce mouvement ne fait que débuter, amplifié par l'arrivée d'acheteurs asiatiques, russes, brésiliens et l'essor considérable du marché américain dans les années à venir. Certains de nos pauvres collectionneurs français vont devenir amers et aigris en voyant de plus en plus de précieuses bouteilles leurs échapper, faute de moyens...

Par contre, l'amateur curieux, oublieux des hiérarchies et prêt à la découverte va se rendre compte en parallèle de la formidable diversité et qualité de très nombreux vins en provenance des horizons les plus divers. Si un vin peut être, comme je le pense, grand par son naturel d'expression, sa simplicité, sa franchise, sa générosité ou sa transparence de saveurs, le champ des vins d'exception s'ouvre alors sur le Jura, le Piémont, le Roussillon, la Moselle, la Provence, la Catalogne, la Touraine, la Wachau autrichienne ou la Campanie, sans parler des vignobles de l'hémisphère sud...

Certains amateurs auront toujours le prix à l'esprit et boiront avant tout l'étiquette. D'autres glorifieront à l'excès les vins de soif de petits vignobles, pour mieux retomber dans une autre forme de sectarisme. Or le grand vin peut être partout ! Un Muscadet du domaine de la Pépière ou un Arbois Pupillin de Overnoy peuvent donner autant de plaisir au même individu qu'un Ausone ou un Montrachet, pourvu qu'il garde l'esprit ouvert et les papilles aiguisées. Un vin n'est grand que par la qualité de l'instant où on le déguste, celle des convives ou de l'assiette qui l'accompagne.

Par contre, pour celui dont l'ego s'investit dans l'argent dépensé, seule la bouteille onéreuse sera grande. C'est pour cela que de nombreux Pétrus ou Cheval-Blanc des années 40 et 50 qui circulent aujourd'hui sont faux : d'ingénieux faussaires s'adressent à ceux qui veulent s'offrir le produit élitiste et exceptionnel, quel qu'en soit le prix. Et comme ces acheteurs boivent ce qu'ils n'ont jamais dégusté auparavant, ils n'ont aucun moyen de reconnaître la tromperie... D'habiles collectionneurs vendent au prix fort la dégustation du vin hors d'âge sous le seul prétexte qu'eux seuls savent réveiller les bouteilles agonisantes. Il est vrai que beaucoup d'amateurs de vin, moi le premier, rêvent de la dégustation de certaines vieilles et prestigieuses bouteilles, car ceux qui ont eu cette chance savent combien le choc gustatif et émotionnel peut être immense. Mais de grâce, restons sages, humbles, ouverts, car ce sont des vertus que le bon vin lui-même véhicule.

Pour 15 € chez un caviste, un vin d'appellation régionale Bourgogne rouge du domaine de Montille, dans un millésime 2004 sévèrement jugé, est à mes yeux un grand vin : une définition du pinot noir, souple, digeste (12,5%), parfumé, il contient en lui tout le savoir-faire d'une famille, d'une région, d'une attention de tout les instants. Le buveur en quête d'ego n'y prête pas attention et ne sait voir la vérité du vin, obsédé par le prestige de l'étiquette et l'estime de soi qu'il y recherche.