mercredi, juillet 04, 2007

Quand le Sud est déboussolé...

Ci-contre, de vieilles vignes sur les sols schisteux de l'appellation Saint-Chinian, dans l'Hérault.
En février dernier, situées sur leur beau coteau venté, dans un paysage préservé, elles resplendissaient sous le soleil d'un hiver exceptionnellement doux, et paraissaient immuables, rassurantes, essentielles.
J'espère qu'elles sont toujours debout à l'heure actuelle.
A Saint-Chinian comme ailleurs, dans le Languedoc, des vignes comme celles-ci sont régulièrement arrachées ces temps-ci. De petits vignerons préfèrent cette solution pour toucher les primes d'arrachage et sauver ce qui peut l'être de leurs exploitations endettées, incapables de commercialiser des vins que les coopératives locales ne savent elles-même plus rémunérer correctement.
La plantation de ces vieilles vignes en gobelet implique un labeur trop harassant, empêchant toute mécanisation, obligeant les rares obstinés au travail sur de vieux chenillards. Et lorsque ces vignes disparaissent, c'est pour laisser place, au mieux à des cultures agricoles très consommatrices d'eau, au pire à des résidences pavillonnaires qui s'installent en sommet de coteau, le vue est plus belle, pardi !
Vous croyez que je noircis le tableau ? Allez donc faire un tour dans ces coins de l'Aude, de l'Hérault et du Gard, où la pression de l'urbanisme conjugué à la crise d'une viticulture qui n'a pas sû se muer en industrie profitable génère des situations humaines tellement douloureuses....Lisez donc ces dépêches relatant l'agitation extrême de viticulteurs poussés à bout et excédés, dépassés par leur incompréhension des nouveaux codes du marché, et qui ne trouvent parfois plus que la violence comme exutoire....Savent-ils, ces viticulteurs en voie de disparition, que le consommateur mondial, ce buveur accro au marketing, les a déjà rayé de la carte ?
Bien sûr, certains domaines de ces régions sont aujourd'hui, à force de travail et de faire savoir, référencés sur le papier glacé des catalogues des cavistes de luxe et des livres des vins de quelques temples gastronomiques.
Mais quand on arrache de vieilles vignes souvent très qualitatives, souvent issues de cépages incompris comme le Carignan, c'est l'âme d'une région qu'on laisse peu à peu partir, même lorsqu'on replante les inévitables syrah, viognier ou merlot, ces cépages fossoyeurs de l'identité languedocienne et catalane.
Autant de raisons pour encourager les courageux qui préservent ce patrimoine en péril, en buvant leurs vins tellement porteurs de plaisirs, en mettant en cave ceux qui sauront vieillir avec harmonie, en redécouvrant la race des meilleurs vins de cette région en fait complètement méconnue de nombreux amateurs, qui n'ont vu passer ils y a quelques années qu'une fugitive mode du Languedoc chez les cavistes et bar à vins tendance...
Quelques noms ? Barral, Gauby, Olivier Jullien, Pierre Quinonero (dom. de la Garance), Maxime Magnon à Corbières, Cyril Fhal (Clos du Rouge Gorge), Izarn (Borie la Vitarèle), Jérôme Bertrand, Alain Chabanon, Pierre Clavel, et il y en aurait d'autres.....Ce sont eux qui portent haut les couleurs du vrai sud aujourd'hui, ce sont leurs vins que les consommateurs devraient rechercher, pour découvrir les vraies saveurs de ces merveilleux terroirs.